Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/134

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Elle enfonce jusqu’au genou dans la neige ; une branche fouette son épaule et enlève une de ses boucles d’oreilles d’or ; sa bottine ne peut plus garantir son pied d’une humidité glaciale ; son mouchoir lui échappe, elle n’ose s’arrêter pour le relever ; sa frayeur redouble à chaque pas, elle entend toujours l’ours derrière elle, et sa main tremblante n’ose même pas relever sa longue robe. Elle court, il court aussi ; déjà elle sent ses forces défaillir…


Enfin elle tombe inanimée. Aussitôt l’ours la saisit. Étendue sans mouvement et sans respiration, elle ne fait aucune résistance. Il la porte à travers le bois jusqu’à une pauvre cabane isolée au milieu de la forêt, et presque engloutie par des monceaux de neige que le pied du voyageur ne foula jamais. Une vive lumière éclaire l’étroite fenêtre, et du dehors on entend des cris et du bruit. L’ours murmure alors tout bas : « Ici habite mon compère, réchauffe-toi un peu chez lui. » Il entre et sous un vestibule il dépose la jeune fille.


Tatiana revient à elle ; elle ouvre les yeux : l’ours a disparu, elle est sous un vestibule. Des cris, des