Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/141

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paraissent : « Mon Dieu ! s’écrie la maîtresse de la maison, enfin ! » — Les convives se pressent ; vite des chaises, des couverts ; on appelle les deux amis, on leur fait prendre place.


Ils se trouvent assis en face de Tatiana, qui, plus pâle que la lune du matin, plus tremblante que la biche forcée, n’ose lever son regard rempli de larmes ; une vive chaleur parcourt ses membres, elle ne peut plus respirer, elle va se trouver mal. Sourde aux félicitations que lui adressent les deux jeunes gens, la pauvre enfant retient à peine ses sanglots ; elle est prête à tomber évanouie. Mais, par un effort suprême, elle parvient enfin à triompher de son trouble, prononce quelques mots et ne quitte pas la table.


Depuis longtemps, Eugène ne pouvait plus supporter les scènes tragico-nerveuses, les évanouissements, les larmes des femmes : il en avait été trop souvent témoin. On l’avait conduit au milieu d’un festin bruyant : c’était déjà une première cause d’irritation, et lorsqu’il remarqua la langueur de la jeune fille, le combat qui se livrait en elle, il baissa les yeux, se mordit les lèvres de colère, et, indigné