Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/157

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fixant ses regards sur Olga, il disait tout bas : « Je suis heureux, n’est-ce pas ? »

Il est tard, le moment de partir est venu. En disant adieu à la jeune fille, son cœur se serra douloureusement ; il sentit sa poitrine se déchirer. Olga le regardait en face. « Qu’avez-vous ? » — « Je n’ai rien ! » et il sortit brusquement.


Arrivé chez lui, il examine ses pistolets et les replace dans leur boîte, puis il se déshabille, approche une lampe et ouvre Schiller. Mais une pensée unique l’absorbe et la tristesse dont son âme est remplie ne lui permet pas un instant de calme. L’image d’Olga, divinement belle, se tient toujours devant lui. Il ferme alors son livre, prend une plume, et des vers, d’un non-sens amoureux, s’échappent de son esprit troublé. Il les lit à haute voix dans la chaleur de la composition, comme D*** dans l’ivresse d’un festin.


J’ai conservé ces vers et je les ai encore, les voici :


Où donc, où donc es-tu, soleil de ma jeunesse ?
Dis, que m’apportera le temps mystérieux ?…
Je voudrais soulever l’inconnu qui m’oppresse ;
Mais un nuage épais le dérobe à mes yeux.