Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses terribles souffrances se calmèrent ; il dit alors à Spasky, l’un de ses médecins : « Ma femme, appelez ma femme ! » — La plume se refuse à décrire ces adieux déchirants. « Ensuite, » dit Joukofski dans sa lettre au père de Pouchkine, « il demanda à voir ses enfants. Ils sommeillaient ; on les lui apporta à moitié endormis. Il les regarda les uns après les autres en silence ; il mit la main sur leur tête, les bénit et fit un signe pour qu’on les éloignât. Il m’appela aussi. Je m’approchai, je lui pris la main et la baisai : « Dis à l’empereur, » dit-il d’une voix faible, « que je regrette de mourir, que j’aurais été tout à lui. Dis-lui que je lui souhaite un règne long, bien long ; qu’il soit heureux dans son fils, heureux dans sa Russie ! »

Il s’empressa de faire venir ses autres amis. La nuit fut plus calme, mais le lendemain matin, tout espoir s’évanouit : le pouls s’affaiblit visiblement, les mains devinrent froides. Sa pauvre femme espérait toujours : « Vous verrez, » disait-elle, « il vivra, il ne mourra point ! » Il était deux heures ; s’étant touché le pouls, le mourant dit d’une voix forte : « La mort approche ! » La dernière lutte de la vie commençait. Trois quarts d’heure après, le 29 janvier 1837, Pouchkine n’était plus. Mais laissons encore la parole à Joukofski. « Sa vie s’éteignait si doucement et avec tant de calme que nous croyions tous qu’il dormait encore. Arendt nous dit que c’était fini. Nous gardâmes long-