Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/24

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fut exposé dans l’église. Plus de dix mille personnes vinrent prier auprès de ses restes ; les rangs, les âges, les nationalités étaient confondus : on eût dit un deuil européen !


« Je voudrais laisser après moi une voix, une seule, qui, comme un ami fidèle, conserve ma mémoire »[1]. Ce désir du poète a été réalisé. Ce n’est pas seulement « une voix, » c’est la Russie tout entière qui a recueilli ses œuvres avec un noble orgueil et les conserve avec un respect religieux. Elle acclame encore le poète qui dota sa patrie de créations neuves, originales et brillantes, écrites dans une langue inconnue avant lui ; elle se souvient aussi du véritable patriote. « Moscou ! Moscou ! » — s’écriait-il, — « quelle magie dans ce mot ! que de choses il dit au cœur russe ! » Ce que Moscou disait surtout au cœur de Pouchkine, c’était abolition du servage, réforme des abus. Il coopéra à ce grand œuvre en soutenant de son amitié et de ses conseils, le courageux citoyen qui osa présenter le miroir à l’ancienne société russe, espérant qu’elle aurait elle-même horreur des plaies qui la rongeaient, et qu’elle les cicatriserait.

  1. Eug. Onéguine.