Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/45

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méritent point que nous nous passionnions pour elles ; elles ne méritent point les chants qu’elles nous inspirent ; les paroles, les regards de ces fées sont aussi trompeurs que leurs petits pieds.


Revenons à mon Eugène Onéguine. À moitié endormi, il a quitté le bal pour gagner son lit. Déjà la bruyante cité de Pierre-le-Grand s’est éveillée au son du tambour : le marchand se lève, le colporteur commence sa tournée, l’izvochik[1] gagne la station ; une Cendrillon de la rue d’Okhta porte en courant sa cruche, et fait craquer sous ses pas la neige du matin. Les bruits du jour commencent, les volets s’ouvrent, la fumée des cheminées monte en spirale bleue, et le ponctuel boulanger allemand, coiffé du traditionnel bonnet de coton, ouvre pour la troisième fois son vasistas.


Épuisé par la fatigue du bal, l’enfant du luxe et du plaisir du jour a fait la nuit : il dort d’un profond sommeil. Il se réveillera bien après midi, et ce sera pour recommencer sa vie monotone et bizarre, pour consumer le jour

  1. Nom russe des cochers des équipages de louage.