Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/47

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s’empara peu à peu de sa vie. Dieu merci, la pensée de se faire sauter ne lui vint pas, mais l’existence lui donnait la nausée ; comme Childe-Harold, il traînait dans les salons sa mélancolie profonde, sa morne tristesse. Les propos railleurs, les plaisanteries fines, le boston, les tendres regards, les soupirs indiscrets, rien ne parvenait à le distraire.

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Femmes du grand monde, vous fûtes les premières qu’il abandonna. Il faut dire qu’à notre âge le grand monde est passablement ennuyeux : quelques femmes sans doute pourront causer de Say et de Bentham[1], mais le reste ne sait tenir que des conversations d’une banalité insupportable et tellement inoffensives, tellement irréprochables, tellement exemptes de laisser-aller, tellement remplies d’idées de justice et de bon ton, tellement inaccessibles aux hommes, que leur aspect seul donne le spleen.

  1. Toute cette strophe veut faire apprécier l’instruction, la pureté de mœurs et de langage des dames russes, qu’elles unissent à cette grâce orientale que Mme  de Staël admirait tant.