Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/48

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Et vous, jeunes beautés, qui partez les dernières du bal, emportées dans les rues de Pétersbourg par vos drochkis[1] étincelants, vous aussi, mon Eugène vous a délaissées ! Transfuge du plaisir, il s’est renfermé chez lui, et, tout en bâillant, le voilà qui prend la plume ; il veut écrire ; mais le labeur de la composition le trouve impuissant : rien ne sort de sa veine aride. Il n’entra donc pas dans les rangs de cette caste orgueilleuse, de laquelle je ne veux rien dire, puisque je lui appartiens.


Alors, retombé en face de l’oisiveté et du vide douloureux de l’âme, il prend la louable résolution de s’approprier l’esprit d’autrui. Il couvre une tablette de livres et se met à lire, à lire encore, mais sans suite. Cet ouvrage l’ennuie, cet autre lui paraît fausseté et bavardage, celui-ci est écrit sans conscience, celui-là est vide de sens ; sur tous il trouve quelque chose à redire : les auteurs anciens n’ont plus d’intérêt, les modernes ne sont qu’un écho affaibli des anciens. Comme il avait

  1. Petite voiture basse sur quatre roues ; elle remplace l’usage du cabriolet en France.