Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/67

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était nouveau pour lui. Il retenait une parole froide et désenchanteresse. « Ce serait mal, pensait-il, de détruire une jouissance qui sera courte ; le temps viendra bien sans moi ! En attendant, qu’il croie à la perfection humaine ! il a pour excuse l’ardeur et l’inexpérience de sa jeunesse ! »


Toutes les questions possibles, ils les agitaient : les rapports des peuples entre eux, les progrès de la science, le mal et le bien, les préjugés des siècles, les mystères de la tombe, la vie, la destinée, passaient tour à tour au creuset de leur examen. Comme solutions à tous ces problèmes, Lensky lisait des pages des auteurs du Nord qu’Eugène écoutait avec attention, bien qu’il n’y comprît pas grand’chose.


L’étude des passions humaines occupait surtout nos deux ermites. Onéguine, à l’abri de leur désastreuse puissance, laissait percer en parlant d’elles, un soupir involontaire de pitié. Heureux celui qui a connu leur tyrannie et s’en est affranchi ! plus heureux encore celui qui ne les connut jamais, celui qui coupa les racines de l’amour par une prompte fuite, et n’eut besoin, pour assouvir sa