Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/68

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haine que d’une parole de mépris ! Heureux qui, assis à son foyer, entre sa femme et ses amis, ignora toujours les souffrances de la jalousie et n’exposa jamais sur une carte le patrimoine de ses ancêtres !


Lorsque nous avons pris place sous le drapeau de la froide sagesse, lorsque la flamme des passions est éteinte, et que leurs fantaisies, leurs transports et leur retentissement n’éveillent plus en nous qu’un sourire de pitié dédaigneuse ; — tranquilles alors, non sans peine, nous aimons à prêter l’oreille au langage rebelle des passions d’autrui. Leur bruit tumultueux fait battre notre cœur : ainsi le vieil invalide, sous son chaume solitaire, s’anime au récit des campagnes du jeune soldat.


Le cœur de la jeunesse est un livre ouvert à tout le monde : ses chagrins et ses joies, ses haines et ses amours, elle y laisse tout lire. Lensky dévoilait à son ami les mystères de son âme naïve, et Eugène, qui se croyait le cœur invulnérable, écoutait impassible. Il comprit sans peine cette histoire que nous connaissons tous, le tendre récit d’un premier amour.