Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/88

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mauvais esprits et des jeunes filles ; mais aujourd’hui la nuit s’est faite dans ma mémoire : ce que je savais, je l’ai oublié. Oui, mon tour est venu, je paye mon tribut à la vieillesse.

— Bonne, parle-moi de tes jeunes années. Tu étais amoureuse alors ?


— Amoureuse ? ah ! bien oui ! De notre temps, nous ne savions pas ce que c’était, Tania, et ma défunte belle-mère m’eût tuée s’il en avait été autrement.

— Alors, comment donc t’es-tu mariée ?

— C’était sans doute écrit dans le ciel ! Mon Vania[1], vois-tu, ma belle, était plus jeune que moi, et j’avais seize ans. Pendant quelques jours une entremetteuse vint chez mes parents, et puis mon père me donna sa bénédiction. J’eus grand’peur alors, et je versai des larmes bien amères ; mais on dénoua la tresse de mes cheveux malgré mes larmes et l’on me conduisit à l’église avec des chants de fête.


J’entrai dans une famille étrangère… Mais tu ne m’écoutes pas.

  1. Diminutif d’Ivan.