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Muse de l’Arsenal, il eut recours à un moyen très ingénieux. Il écrivit son bienheureux sonnet sur l’album de Marie. Le comprit-elle ? Ici, mesdames et messieurs, nous entrons dans le domaine du mystère. Respectons-le. Arvers avait aimé à vingt ans une jeune fille de son âge qui lui avait été ravie par la mort avant qu’il ait pu réaliser son rêve.

Mon père, Théodore Vibert, l’auteur des Girondins qui venaient de paraître en 1860 et qui avaient fait grand bruit dans le monde des poètes, était très lié avec Émile Deschamps, l’ancien jeune protégé de Napoléon 1er, qui lui avait donné une si jolie tabatière. Émile Deschamps avait écrit une lettre enthousiaste à mon père, en autorisant à la publier et à la répandre et nous allions souvent, mon père et moi, passer l’après-midi à Versailles, auprès de ce grand vieillard au nez bourbonnien, dont la bonté était proverbiale dans le monde des lettres.

C’est là où nous rencontrâmes souvent Mme Mennessier-Nodier et lorsqu’en 1867 mon père fut nommé juge de paix à Montfort-sur-Risle, tant il est vrai que les lettres n’enrichissent pas leur homme, notre première visite fut pour Marie Nodier, dont le mari, M. Mennessier, était receveur particulier à Pont-Audemer. Entourée de ses jeunes filles, elle était déjà blanchissante, mais toujours aimable et charmante. Je ne l’ai point connue à l’Arsenal, car j’étais trop jeune, puisqu’à ce moment-là, en 1867, je n’avais encore que seize ans, mais ce que