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je sais bien, c’est que j’ai gardé d’elle, moi aussi, un souvenir attendri et que c’est toujours avec une espèce de mélancolie, tout à la fois triste et joyeuse, que j’invoque ces heures littéraires et déjà lointaines de ma prime jeunesse.

J’en dirai volontiers autant en parlant d’Ernest Reyer, le grand et illustre compositeur, le continuateur tout à la fois de Félicien David et de Berlioz, et pour la couleur, et pour la science. De 1863 à 1866 environ, si mes souvenirs sont exacts, Ernest Rey et non pas Reyer, qui n’est qu’un nom de guerre, rentrait d’Algérie et venait de donner sa Statue, si curieusement écrite. Sa femme tenait une modeste boutique de mercerie rue Bréa, presque à la place Vavin ; sa fille, Ernestine Rey, une grande et superbe fille un peu plus âgée que moi de deux ou trois ans, était élève du Conservatoire et comme nous habitions alors au 130 du boulevard Montparnasse, tous les jours j’allais à cinq heures, avant dîner, prendre une leçon de piano d’une heure avec Mlle Ernestine Rey, qui me faisait très bien et très sérieusement travailler dans la modeste arrière-boutique de sa mère.

C’est là où j’ai vu souvent moi-même Ernest Reyer, et si ces lignes tombent aujourd’hui sous les yeux du nouveau Grand-Croix de la Légion d’honneur, ça le reportera presque au début de sa belle carrière artistique, à plus de quarante ans en arrière ! Comme le temps passe tout de même !

Et, ma foi, si j’ai appris le piano, tant bien que mal dans ma jeunesse, comme tous les jeunes gens