Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/253

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journal et ça amusera la galerie ; c’est le vieux jeu, le soir sur les boulevards extérieurs, un Alphonse fait semblant d’assommer sa marmite, les bons bourgeois se rassemblent, protestent et l’on en profite pour les dévaliser, ça réussit toujours ; nous, nous allons rassembler, ameuter les journalistes, ils tomberont dans le Piano et ils nous feront de la publicité gratis pro Deo.

— Ton idée est épatante.

— Oui, seulement il faudra trouver quelque chose de tout à fait transcendant pour retenir des gens aussi blasés et aussi sceptiques que les journalistes.

— Au contraire, mon cher, pour les épater, il faudra trouver quelque chose de très bête, de tout à fait idiot.

— Tu as raison, mon vieux, topons-là.

Et l’on est parti en guerre et voilà comment Salis a traité Péladan de derrière récalcitrant, ce qui est idiot, affirmant que, très mystique, le Sâr dîne à l’huile, ce qui est encore plus idiot.

Là-dessus Péladan envoûte l’image de Salis en mie de pain durcie et lui perce le flanc avec une épingle enchantée.

C’est tellement bête que toute la presse prend feu, on leur fait une réclame de tous les diables, l’un vend ses bocks et l’autre ses bouquins, et tous deux le soir, après ce rude labeur et ces engueulades, se regardent comme deux augures, hermétiquement enfermés dans le sanctuaire et se tordent les côtes de rire en pensant comment ils