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Eugène Pelletan avait inventé le jeu de la balle au mur dans l’escalier immense dont j’ai parlé déjà, en souvenir du collège de Pau où il avait fait ses études ; mais, malgré tous ces plaisirs, les trois mois de prison étaient pénibles, car précisément à cause de cette quasi-liberté intérieure, on ne pouvait même pas travailler, ce qui plongeait les écrivains et les journalistes dans un véritable désespoir. On dînait gaîment pour s’étourdir, mais on eût préféré, quand même, la liberté.

Néanmoins si l’on était traité relativement bien, cela tenait non seulement à la direction paternelle et pleine de tact de Constant Lefébure et, plus tard, aux traditions qu’il avait laissées à ses successeurs, mais cela tenait aussi à la volonté du souverain qui se souvenant du fort de Ham et des captivités d’antan n’avait jamais voulu, par une sorte de sentimentalité personnelle et rétrospective, que l’on maltraitât ou traitât moralement avec trop de sévérité les prisonniers politiques.

Voici la chanson que mon père avait écrite sur les murs de la prison des Haricots ; on remarquera qu’elle est datée de 1er avril 1863, quand en réalité elle a été écrite sur lesdites murailles de sa main de 1854 à 1856, vraisemblablement lorsque nous habitions rue de Sèvres, en face du Bon-Marché naissant, au no 53 comme je l’ai dit.

Mais mon père, qui n’y attachait aucune importance, l’a datée simplement du jour où un ami complaisant avait bien voulu prendre la peine de la lui rappeler, en lui en apportant une copie.