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bouchons où les carrières de gruyères, toutes ces dames étaient en larmes et un jour, elles ont fait une véritable émeute parce qu’une dépêche, envoyée par canard-voyageur, venait de leur apprendre que les faucheurs de macaroni s’étaient mis en grève sur les bords du Pô !

Fini tout cela, ces pauvres vieux arbres de la Place de la Bourse sont couchés, morts, partis pour l’incinération comme leur devancier.

Eh bien, monsieur le Préfet, nous les derniers arbres survivants des boulevards et promenades de Paris, non pas les pieds humides, mais ce qui est plus grave, empoisonnés par la sale tuyauterie de la Compagnie du Gaz, nous en avons le spleen, nous pleurons nos frères assommés par les chemins de fer, M. Picard, l’Exposition universelle, le Métropolitain, l’agrandissement de la Bourse., etc. et nous voulons mourir.

Du moment que l’on pense que nous ne sommes plus les poumons de Paris, la santé des petites ouvrières, la joie de l’œil, l’ombrage des enfants et les vertes demeures des moineaux, nous n’avons plus qu’à aller retrouver nos ancêtres dans le chaud nirvana des arbres et nous voulons mourir.

C’est pourquoi, monsieur le Préfet, nous venons vous demander très respectueusement, avant que le Gaz n’ait complètement tué nos racines, nous les derniers invalides, les derniers vétérans, les derniers survivants et vestiges du monde sylvestre — à toi Armand — dans la capitale du