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ne consommait guère que du café et de la bière dans les cafés — moins de bière qu’aujourd’hui — ils avaient tous, quand on y entrait, comme une forte odeur de levure de bière surie qui vous prenait à la gorge, avec, en même temps, une odeur âcre, comme un relent de vieilles pipes mouillées.

Je me suis toujours demandé pourquoi, depuis ce temps-là, il en était ainsi, et je crois bien que cela tient à ce que les cafés étaient moins ouverts, moins aérés, moins publics et fréquentés qu’aujourd’hui, si je puis m’exprimer ainsi. J’ai cette odeur des vieux petits cafés d’autrefois depuis près d’un demi-siècle, dans le nez, c’est le cas de le dire ; et cependant je n’y ai pas mis dix fois les pieds avec les miens dans mon enfance, car ma famille n’allait pas au café et la forte impression m’en est restée vivace, dans les yeux et dans le nez et c’est à peine si, depuis, j’ai retrouvé vaguement cette impression d’odeur dans de modestes brasseries perdues dans de petites villes de Belgique ou d’Allemagne, et encore ce n’était plus la même chose.

Les voilà donc tous disparus aujourd’hui et c’est en vain que l’on chercherait le vieux petit café blanc et or de quartier, et le pilier de café, lecteur-frondeur du Siècle, à la longue et vaste redingote luisante, noire, jamais bien tournée, les pans ballants, et l’odeur de levure de bière surie et le jeu de tric-trac pour les habitués tranquilles.

De nos jours, tout le monde va au café en passant, en courant, sans en être un pilier. Est-ce