Page:Pourtalès - Deux Contes de fées pour les grandes personnes.djvu/105

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Elle y crut.

Les messages du bien-aimé devinrent sa vie nouvelle, l’autre vie, la plus belle vie, celle des rêves, celle des consolations.

Elle promène par toutes les pièces son paquet d’enveloppes crasseuses à force de manipulations. On la trouve en général auprès de quelque fenêtre, ses lunettes au bout du nez, épelant syllabe à syllabe : « Ma ché-rie d’amour, me voi-ci dans l’A-mé-ri-que où je pen-se à toi… » ; « Mon a-do-rée, l’A-fri-que est un beau pays, mais je ne t’ou-blie pas par-mi tou-tes les né-gresses »… Ces négresses décrochent chaque fois son rire, mais un énorme soupir vient corriger sur-le-champ sa gaieté douloureuse.

Elle répond à chaque envoi, et cela demande de longues heures d’application. Son trésor s’écorne, car il faut bien remettre de l’argent à M. Joseph pour les timbres qu’il colle lui-même, et les timbres sont de un franc pièce lorsque il s’agit de l’Afrique ou de l’Amérique. Et pour la Chine c’est plus cher encore : deux francs par lettre ! Pourquoi aller au