Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/134

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tout ce qui dépendait de lui. Il lui donnerait trente esclaves de l’un et de l’autre sexe, tous ses diamants, dont le nombre et la beauté lui causeraient de l’admiration, et le choix continuel de tout ce qui pourrait flatter son goût. Il était dans une assez haute faveur à la Sublime Porte pour ne craindre la jalousie de personne. Rien n’était mieux fondé qu’une fortune dont il faisait son ouvrage. Et pour ne lui laisser aucun doute sur sa bonne foi, il me prenait à témoin de toutes ses promesses.

Ces offres, prononcées avec une enflure qui est naturelle aux Turcs, firent assez d’impression sur moi pour me faire craindre qu’elles n’en eussent fait trop sur Théophé. Il me parut si étonnant qu’elles eussent tant de ressemblance avec les miennes, que l’emportant d’ailleurs beaucoup par l’éclat, je tremblai tout d’un coup pour un projet que j’avais si heureusement conduit, ou que je désespérais du moins d’obtenir jamais ce qui avait été refusé au Sélictar. Mais combien ne sentis-je point redoubler mes alarmes, lorsque Théophé, pressée de s’expliquer, lui marqua plus de sensibilité pour ses bienfaits qu’il ne s’y était lui-même attendu. Un air de satisfaction qui se répandit sur son visage, m’y fit découvrir plus de charmes que je n’y en avais aperçu depuis que je la connaissais. Je l’avais toujours vue triste et inquiète. Le mouvement d’une cruelle jalousie me fit voir tous les