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thérèse

curieux du débat soulevé autour du nom presque oublié de Thérèse, étaient accourus par bandes joyeuses. Quelques citadins, auditeurs de passage, entrés par hasard dans la salle ouverte, restaient à leur place, l’œil amusé, retenus par l’échange rapide des questions brèves et nettes et des longues réponses embrouillées. En face de cet appareil de justice, les vieux paysans éprouvaient, en effet, comme un frisson de culpabilité, et au milieu des détours inattendus où on promenait leur idée fixe, ils la sentaient s’émietter, se perdre, s’envoler brin à brin. Assis en face d’eux, le mari de Thérèse les regardait d’un air goguenard. De temps en temps un sourire entr’ouvrait ses lèvres épaisses, et lorsque son avocat, placé derrière lui, se penchait pour murmurer à son oreille quelque chose, l’homme disait oui de la tête, sans même se retourner, avec la mauvaise expression de victoire qu’il avait eue le jour où il était venu annoncer aux vieux la décision de Thérèse.

Pendant qu’elle ânonnait péniblement des réponses diffuses, la vieille femme se demandait avec surprise comment cet homme avait fait tout à l’heure pour si bien masquer l’hypocrisie de son rôle auprès de la petite, tandis qu’elle-même, la mère, ne savait pas redonner au fait sa vraie figure.

— Rasseyez-vous.

La vieille femme se rassit brusquement, effrayée, et au même instant elle rencontra le regard de Pierre. Il fixait sur elle des yeux si pleins de désespoir et si