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fausse route

flexions, à la sœur de Victorine, plus riche que le reste du parentage de Michel, et elle ne pensait plus du tout à l’incident lorsque quinze jours plus tard, le même pli lui fut remis contenant, cette fois, à côté des comptes, une injonction polie de liquider sa dette sur-le-champ, sous peine de voir Michel exclu du nombre des élèves.

Elle écrivit tout de suite aux trois associés qui s’étaient engagés à mener à bien les études de Michel, s’étonnant auprès d’eux de la persistance de ce malentendu. Elle s’aperçut en même temps qu’elle n’avait pas encore touché un centime de ce qui lui était dû et ses yeux s’ouvrirent tout à coup.

Elle passa toute une nuit sans sommeil à réfléchir. Pendant son exil à l’étranger elle avait amassé une petite fortune, suffisante à assurer un bien-être modeste. Elle n’avait jamais pensé à la grever de l’entretien complet d’un enfant. Michel avait encore devant lui cinq années de séminaire. Cela représentait un gros sacrifice pécuniaire qui la forcerait à une vie presque chétive. Elle restait libre, sans doute, de refuser le fardeau qu’on lui glissait si adroitement sur les épaules, mais que deviendrait alors Michel ? Un simple manœuvre, comme son père l’avait tant redouté pour lui !

Comme si l’influence occulte de Valentin eût secrètement agi sur son esprit, cette idée de faire du jeune garçon un ouvrier de peine, gagnant au jour le jour un salaire médiocre, lui sembla tout à coup inadmissible.