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vivre à paris

Jules Carpier rentra un jour hors de lui. Il avait surpris, au sujet de son enfant, des bruit étranges circulant dans le pays. Les mots de monstre et de honte pour le village avaient même été prononcés tout bas.

Tout ce que son pauvre cœur déçu avait amassé d’amertume depuis son mariage fit une formidable explosion qui éclaboussa de reproches à la fois la femme, la mère et la ménagère.

Les lèvres pâles et serrées, Micheline l’écouta stupéfaite, tandis que ses grands yeux d’un gris sombre considéraient attentivement sa propre image de femme outragée dans la glace qu’elle avait forcé Jules de lui acheter à leur passage à Paris. Mais quand Jules, impatienté de son apparente inattention, la prit par le bras pour la forcer à l’écouter, elle le secoua brusquement :

— Laisse-moi. Ce que tu m’ennuies, toi !

Jules fut subitement dégrisé de sa colère. Il balbutia :

— Ne te fâche pas, Micheline. Je suis trop violent Mais, tu comprends, cela me rend fou d’entendre dire de la petite… de ces choses… de ces choses… Aussi, pourquoi la cacher à tout le monde comme tu fais ? Ça n’a pas de sens commun, la mignonne !

Micheline se mit à rire d’un rire perlé en répétant entre ses dents éblouissantes :

— La mignonne ! Ah ! que tu es drôle, toi, non !

Carpier sentit un frisson lui glisser le long de l’échine et sa colère lui revint plus violente. Il reprit sa femme par le poignet, mais durement cette fois, et