Page:Pradez - Réparation, 1905.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 207 —

rent bientôt l’une des extrémités du vaste parc de Philippe. Le pays plat, l’interminable plaine avec ses franges d’arbres grêles et la pâle verdure de ses saules nains s’étendait à l’infini. Le soleil avait disparu. Dans le ciel verdâtre, une étoile clignotait en face du jour mourant.

Isabelle s’arrêta. À cet endroit, plus ouvert, la musique de la fête, entrecoupée de courtes intermittences, arrivait sans obstacle, plus nette, plus distincte. Par bouffées, selon la direction du vent, les notes se précipitaient en cascade échevelée, ou bien brusquement elles s’éteignaient. Il y avait des trous, des lacunes, des silences.

— Comme ces gens s’amusent ! dit enfin Isabelle. Jamais je n’ai connu ce genre de plaisir, moi. Quelquefois, il me semble que je n’ai pas encore eu de vraie jeunesse.

De l’autre côté de la clôture, sur la route, des groupes de paysans passaient à pied, pimpants et rieurs, ou entassés sur les bancs de chars enrubannés et fleuris : ils filaient dans la même direction au trot pesant de leurs, lourds chevaux de campagne. Et de très loin, une bande de filles et de garçons, se tenant par la main, arrivaient en chantant. La longue chaîne ondoyante se déroulait et se repliait