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en avant, par suite d’un affaissement du sol, probablement déterminé par l’action des eaux. Aussi voyait-on en cet endroit la muraille surépaissie, renforcée, évidemment après coup, à une époque sans doute très postérieure, par une sorte de maçonnerie assez grossière, sans appareil déterminé, composée de pierres et de moellons de toutes dimensions, de moins bonne qualité, posés bruts, à bain de mortier de chaux et de sable, très hâtivement, comme pour résister à la ruine qui menaçait la construction. Ce sont les carrières du haut du faubourg Saint-Jacques qui semblent avoir fourni les matériaux.

En arrière de cette partie du mur on a rencontré un puits, depuis Longtemps desséché, de 0 m. 90 c. de diamètre intérieur, assez bien muraillé, et dont la construction est bien postérieure au Ve siècle.

Dans la partie située vers l’Ouest, qui a été dégagée sur 2 m. 50 c. de long, on a aussi constaté de sérieux désordres, causés par suite d’affouillements.

Notre visite s’est terminée par l’examen de quelques objets trouvés dans les fouilles et déposés dans le petit bureau du chantier. On a tout d’abord examiné attentivement une piécette de monnaie en cuivre paraissant dater du règne d’un des successeurs de l’empereur Constantin Ier, et que j’ai l’honneur de remettre à M. le Conservateur du musée Carnavalet, après l’avoir fait passer sous vos yeux. Puis M. Le Voisvenel nous a présenté quelques débris d’architecture du XVIe siècle, notamment un fragment de chambranle, un tronçon de colonnette à pans et une tranche de fût de colonne cylindrique, ayant à première vue l’aspect d’une meule, enfin quelques ossements d’animaux, chevaux, moutons, etc., rencontrés dans les environs du puits que nous avons mentionné ci-dessus.

Nous avons prié M. l’architecte de nous dresser les plan, coupe et élévation de la construction qu’il avait mise au jour, ce à quoi il s’est prêté avec beaucoup de bonne grâce. Nous les joignons au présent rapport, ainsi que la photographie prise au moment de notre constatation sur place par M. Godefroy, dans des conditions tellement défavorables au point de vue du jour, qu’il a fallu toute l’habileté de cet artiste consommé pour en tirer la belle épreuve dont il nous a fait hommage avec le plus louable désintéressement en même temps que l’épreuve de l’état ancien, avant la démolition, ainsi que celle qui représente l’enlèvement des pierres.

Vous apprécierez, Messieurs, la valeur de ces documents, mais nous avons pensé que là ne devait pas se borner notre rôle, et que le souvenir de cette découverte archéologique devait être encore conservé par une inscription placée sur la façade de la maison en construction sur ce point, par un modèle en relief qui serait transporté au musée Carnavalet, et enfin par une section tout entière du mur, qui serait déposée pierre à pierre, puis remontée dans le square de l’Archevêché.

L’examen minutieux des pierres qui, dans leurs parties actuellement cachées, pourraient présenter des signes caractéristiques, selon l’opinion de notre collègue M. Ch. Lucas, pourra seul permettre de porter un jugement définitif sur la nature de la construction, et la portion conservée constituera un document irréfutable.

MM. Le Voisvenel et Loup ayant accédé à notre désir, j’ai prié M. Bouvard de faire procéder à la dépose et au remontage, dans ledit square, d’une tranche de mur d’environ 3 mètres. Notre collègue, M. Formigé, a déjà fait les relevés nécessaires et le numérotage des pierres ; à l’heure actuelle le travail doit être commencé.

Il nous reste à tirer des conclusions de la constatation que nous avons faite.

L’avis général des membres présents à notre visite a été que, selon toute probabilité, il s’agissait en l’espèce d’un fragment de l’enceinte gallo-romaine de la Cité, dont la plupart des auteurs font remonter l’origine à la fin du IVe siècle.

Cependant, si nous nous en tenons aux caractères extérieurs de cette construction, les seuls que nous ayons pu constater, nous relevons quelques différences avec les découvertes faites antérieurement dans la Cité, notamment en 1711 à Notre-Dame, en 1829 dans les substructions de l’église Saint-Landry, en 1847 et 1848 sur la place du Parvis, et en 1860 lors de la construction de la caserne de la Cité.

Ici, nous ne trouvons ni débris de sculpture, ni surfaces moulurées, ni inscriptions visibles ; par contre, les pierres sont de grand appareil et paraissent assez bien dressées, sans appoint de ciment de mortier, sauf dans les parties où il s’est produit des affouillements.

Ne pourrait-on supposer que ce serait là une sorte de digue opposée aux empiétements du fleuve ?

C’est une opinion que nous présentons avec quelque réserve, car elle pourrait être complètement détruite par un examen plus attentif des pierres conservées.