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Fiches d’inventaire.


M. Alfred Lamouroux informe la Commission de la commande faite des fiches d’inventaire, dont le modèle récemment arrêté a été rendu très simple ; la livraison doit en être faite prochainement, ce qui permettra de consigner déjà les travaux produits par la Commission.


Communication relative aux regards des eaux de Belleville.


M.Tesson. — Les importants travaux exécutés dans les siècles passés pour amener à Paris l’eau pure provenant de quelques sources peu éloignées ont paru assez intéressants pour que votre 1re Sous-commission vous propose d’émettre un vœu tendant à la conservation, dans la mesure du possible, des aqueducs et des regards encore actuellement existants et qui témoignent d’un effort considérable accompli à une époque où les procédés d’exécution étaient à l’état rudimentaire.

Comme préambule au travail qui vous sera soumis à ce sujet, permettez-moi de vous exposer en quelques mots ce que sont les eaux dites de Belleville, de Ménilmontant, du Pré-Saint-Gervais, que Belgrand réunit si exactement sous le nom de sources du Nord.

Le développement progressif de la population parisienne éloignait sans cesse de la Seine les nouvelles agglomérations, dont la première préoccupation en s’installant consistait à se procurer l’eau nécessaire, soit aux usages domestiques, soit à la fabrication du pain, soit aux différents besoins industriels.

C’est ainsi que les habitations nouvelles s’édifiaient dans les endroits où les puits s’établissaient le plus facilement, et c’est pourquoi la rive droite se développa si rapidement tandis que la rive gauche restait stationnaire, car l’eau se rencontre à une profondeur qui ne dépassait pas une moyenne de 4 à 5 mètres dans une zone qui, de la Seine, s’étendait jusqu’aux boulevards intérieurs actuels, tandis que les forages exécutés sur l’autre rive devaient descendre jusqu’à 20 et 30 mètres pour rencontrer la nappe d’eau.

Il en est résulté que l’enceinte de Philippe-Auguste a limité la partie de la ville située sur la rive gauche de la Seine jusqu’à l’établissement de l’enceinte de Louis XIV, alors que les limites de la rive droite avaient dû être reculées, Sous Charles V, Charles VI et Louis XIII.

Les puits étaient très nombreux. Leur recensement effectué en 1870 en a fait reconnaître plus de 30,000, presque tous anciens.

Mais l’eau de puits est impropre à certains usages et son débit est incertain et irrégulier ; l’on s’explique aisément que les quelques sources situées au nord de la ville, à une altitude rendant leur écoulement facile, aient pu tenter, par la qualité de leurs eaux ; aussi bien les autorités ayant à veiller aux commodités du public, que les communautés importantes et les seigneurs puissants désireux d’augmenter leur bien-être.

Les travaux entrepris pour capter ces sources sont d’une date très ancienne, comme l’atteste l’extrait suivant des registres, de l’Hôtel de Ville de Paris :

« Lettres patentes de Charles VI, le 9 octobre 1392, par lesquelles, sur la plainte à luy faite qu’encore que pour l’amour que ses prédécesseurs ayent eu à la Ville de Paris, certains tuyaux et conduits ayent été ordonnez ; sous leur autorité de si long temps que mémoire d’homme n’est du contraire, pour la conduite des eaux en ladicte ville qui avoient été départies en diverses fontaines publiques, et spécialement aux lieux nommés la fontaine Saint-Innoncent, « Maubué et la Halle ;… »

Le regard dit de la Lanterne, qui existe encore rue de Belleville, 207, contient une inscription lapidaire de 1457 rappelant une visite de l’aqueduc y amenant les eaux.

Une partie de ces travaux d’art a été détruite par la construction du chemin de fer de Ceinture et par le percement de la rue des Pyrénées ; M. Coyecque signalait les traces du regard dit de la prise des eaux, retrouvées dans les fouilles opérées rue des Couronnes ; en même temps nous apprenions la suppression récente du regard Beaufils, rue de Belleville, 187. Cet abandon et ce désintéressement des souvenirs de travaux si considérables remettent en mémoire ce que M. Belgrand écrivait en 1876 à ce sujet :

« …Les traditions se perdent : quand j’aurai disparu, avec trois ou quatre collaborateurs et autant d’anciens serviteurs qui surveillent les tronçons d’aqueducs comme chose sacrée, qui en jaugent l’eau comme si elle était encore indispensable à Paris, il ne restera pas même un souvenir de ces vieilles choses. »

La 1re Sous-commission a bien voulu me charger de préparer la très succincte notice suivante dans le but de susciter un peu d’intérêt en faveur de ces souvenirs parisiens :

Les collines du nord de Paris, notamment