Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1899, 8.djvu/17

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pelle était conservée, le lotissement des terrains à provenir de la démolition de la prison serait impossible. Or, ce lotissement est le gage d’opérations adoptées sur lesquelles-on ne peut revenir. Il ajoute que ce petit monument qui serait d’une utilisation au moins problématique est tout à fait analogue à la chapelle de la prison Saint-Lazare dont la conservation est décidée. Il est de style Louis XVI et ne présente, au point de vue architectural, qu’un intérêt médiocre.

M. Jules Périn pense, au contraire, que cette chapelle pourrait être utilisée, soit pour l’installation du musée des Arènes, préconisé par M. Ch. Normand, soit pour y organiser une école de dessin ou une salle de conférences. Il ajoute que les entrepreneurs ont bien voulu surseoir pendant quelques jours à la démolition et qu’ils accepteraient de rétrocéder la propriété des matériaux pour un prix qui serait peu élevé.

Il lui semble qu’une délégation pourrait être désignée d’urgence afin d’examiner les mesures à prendre pour obtenir un sursis à la démolition.

M. le Président fait observer que l’on se trouve en présence d’une décision du Conseil général de la Seine ayant fixé le lotissement et disposé des ressources à en provenir.

L’intervention de la Commision du Vieux Paris, à ce moment des opérations, lui parait quelque peu tardive et ne lui semble guère susceptible d’une suite utile.

M. Jules Périn demande le renvoi de l’affaire à l’Administration, qui appréciera ce qu’il conviendrait de faire.

Il insiste sur l’intérêt de la conservation de ce monument qui, placé sur la façade de la rue Dolomieu projetée, ne gênerait nullement l’ouverture de cette rue ; et qui donnerait au moins un édifice à ce quartier, qui en est totalement dénué.

M. Le Roux répond que l’Administration, étant engagée vis-à-vis du Conseil général, ne pourra qu’être défavorable.

Le renvoi à l’Administration est prononcé.


18. — Demande d’identification d’une tombe de l’ancien cimetière de Charonne.

M. Alfred Lamouroux donne communication d’une lettre de M. Boulogne demandant l’identification d’une tombe surmontée d’un personnage de grandeur naturelle,

Cette tombe est située dans l’ancien cimetière de Charonne.

M. Tesson dit que cette sépulture, malgré son aspect, est dénuée du moindre intérêt. La 1re sous-Commission s’en est occupée à la suite du compte rendu d’une visite faite en compagnie de M. Selmersheim, au cimetière de Charonne, il y a quelques mois.

Il s’agit de la sépulture d’un sieur Bègue, réglementairement mentionnée sur les registres du gardien du cimetière, à l’époque de la concession, mais qui surprend l’attention tant par l’emplacement qu’elle occupe — 43 mètres superficiels — que par son bizarre entourage composé de fragments de grilles de toutes sortes : portes d’entrées en fer, appuis de fenêtres et balustrades en fonte, du vilain style dit « Louis-Philippe » — et par la statue en pied placée sur un piédestal élevé qui en occupe le milieu.

La première impression de surprise se complique d’une légende locale qui fait du personnage représenté l’ancien secrétaire de Robespierre. Enfin, l’inscription n’existe plus ; les lettres qui la composaient, vraisemblablement fondues, avaient été fixées à la pierre : les nombreux trous d’attache sont tous vides. D’où des conjectures où l’imagination a le plus libre cours.

Or, il s’agit tout simplement d’un sieur Bègue, entrepreneur de serrurerie, dont l’habitation donnait sur le cimetière de Charonne et qui s’était offert la fantaisie de faire ériger, de son vivant, sa propre statue, sous la fenêtre de sa maison avec un entourage formé des laissés pour compte de son industrie.

L’original serrurier avait complété sa fantaisie en faisant confectionner d’avance et sur mesures un cercueil qui était remisé au grenier en attendant l’usage.

Ces renseignements ont été fournis par des contemporains du sieur Bègue, qui l’ont connu, qui ont eu des rapports d’affaires avec lui et dont le témoignage est indiscutable. M. Gosselin-Lenôtre, si particulièrement compétent en ce qui concerne les hommes de l’époque de la Révolution, a également détruit la légende d’un secrétaire de Robespierre du nom de Bègue.

Les détails qui précèdent ont intéressé la 1re Sous-commission lorsque la communication lui a été faite, parce que l’on a pu ainsi, à une époque où des témoins existent encore, empêcher la propagation d’une légende dont l’imagination a fait tous les frais et qui, plus tard, aurait pu déconcerter les chercheurs,

L’incident est clos.