Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/212

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mais du moins avec les caractères qui constituent essentiellement ce que nous entendons par ce mot.

Le principe de la civilisation antique était en tout et pour tout, le privilége à l’intérieur, l’exclusion au-dehors, l’individualisme égoïste au profit de l’homme, ou au profit du peuple. Le principe de la civilisation moderne est l’égalité au-dedans, l’union par le cœur, par la communauté d’origine et de destinées avec les étrangers, le dévouement généreux pour l’individu comme pour la société. Les conséquences de cette différence se manifestent immédiatement dans les œuvres littéraires. On ne peut pas dire que le génie ait été plus libéralement départi aux temps modernes : ce serait une erreur, car les chefs-d’œuvre de l’antiquité en poésie, en éloquence, en architecture, en sculpture, démontrent trop évidemment le contraire, mais on doit le proclamer hautement : en dehors du génie que Dieu jette, comme il lui plaît, aussi bien au sein de la barbarie, que dans les époques de civilisation les plus raffinées, toutes les autres conditions sont à l’avantage des peuples modernes.

Tout dans le monde physique, comme dans le monde moral, tend à l’unité. C’est que l’unité est la perfection des êtres : non pas sans doute l’unité étroite, restreinte, mais l’unité dans la diversité. Nous la trouvons dans ces conditions, en Dieu, un dans son essence, divers dans ses attributs. Nous la voyons dans la nature et dans les lois qui la régissent, dans l’esprit humain et dans les faits par lesquels il manifeste son action. Plus la tendance vers l’unité sera grande dans une nation, plus sa force sera réelle et son avenir assuré. Les peuples modernes portent en eux-mêmes, et dans les croyances qui font leur vie morale, un besoin d’unité. Ils la retrouvent dans leur origine, dans leurs devoirs, dans leurs facultés ; et si des nécessités de subordination sociale, ou des droits d’une supériorité quelconque, paraissent, avec raison, la restreindre ou la faire disparaître momentanément, ils y reviennent par