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richard wagner et la france

« Il ne sied pas au caractère de l’Allemand de nourrir de généreuses illusions », écrivait encore Wagner, dans son Coup d’œil rétrospectif sur les Festspiele de 1876 ; il est vrai qu’il ne faut pas trop généraliser cette dernière observation, car Wagner fait ici allusion à l’accueil plus que distrait que Bismarck avait accordé à son Art allemand et politique allemande, et à son prospectus des Festspiele[1].


Bien que, dans sa Communication de 1852, il se défendît de s’être jamais occupé de politique, Wagner, on le voit, avait dû plus d’une fois depuis la guerre, franchir les limites d’un domaine qu’il ne lui avait jamais réussi d’aborder.

Une dernière citation, empruntée à Voulons-nous espérer ? (1879), nous fera pénétrer sa pensée politique, quatre ans avant sa mort.

Ce que nous ne devons pas être, dit Wagner aux Allemands, nous ne pouvons l’être non plus. Nous pourrions, avec l’assistance de toutes les races germaniques à nous apparentées, pénétrer le monde entier des créations originales de notre culture, sans jamais devenir les maîtres du monde. Le résultat utile de nos récentes victoires sur les Français prouve ceci : que la Hollande, le Danemark, la Suède et la Suisse, ne témoignent aucune crainte de notre grandeur de conquérants, et pourtant un Napoléon Ier, après de tels succès obtenus, eût facilement soumis ces pays à « l’Empire » ; mais nous avons manqué l’occasion de nous rattacher intimement ces voisins et, naguère, un Juif anglais nous faisait la loi. De grands politiques, semble-t-il, nous n’en aurons jamais ; mais peut-être quelque chose de bien plus grand, si nous ménageons

  1. X, p. 106.