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ſans dangers, à d’autres mains qu’à celles des repréſentans du peuple, ſeront remis à une Aſſemblée nationale, & les autres pouvoirs ne ſeront chargés que d’exécuter les lois & les réſolutions émanées d’elle.

Les repréſentans du peuple ſe réuniront dans une ſeule aſſemblée. Sans doute ſi, en la partageant en deux chambres, on compoſoit chacune d’elle de membres également élus par tous, & parmi tous les citoyens, une telle inſtitution ne ſeroit pas contraire à l’égalité naturelle.

Mais on ſait que, ſi par exemple, on exige le concert de deux aſſemblées ſéparées, le vœu d’une minorité très foible, ſuffit pour faire rejetter par la forme ſeule, ce qu’une grande majorité a réellement admis. On ſait que cette inſtitution auroit le même effet que celle où l’on exigeroit, pour adopter une propoſition, une pluralité relative, plus ou moins forte, mais qu’elle ne conduiroit au même but, que d’une manière incertaine & biſarre. Auſſi cette combinaiſon n’eſt pas l’ouvrage d’une théorie politique, née dans un ſiècle éclairé ; car, ſans parler de quelques conſtitutions fondées ſur le préjugé que les hommes peuvent ſe réunir dans une même ſociété pour y exercer des droits inégaux, que des claſſes particulières peuvent prétendre à conſerver une volonté indépendante de la volonté générale, cette inſtitution doit en général ſon origine à des peuples qui n’avoient pour loi que d’anciennes coutumes, où les dépenſes publiques étoient payées, ſoit par des revenus territoriaux, ſoit par des redevances perpétuelles, où tout changement étoit enviſagé avec la crainte qui ſuit toujours l’ignorance, où l’adminiſtration preſque nulle, n’avoit pas beſoin de prendre de déterminations nouvelles ; dès-lors on cherchoit moins un pouvoir qui pût agir, qu’un pouvoir qui empéchât de changer. Cette peur des innovations, l’un des fléaux les plus funeſtes au genre humain, eſt encore le plus fort appui de ces mêmes combinaiſons, & le motif ſur lequel leurs partiſans inſiſtent avec le plus de confiance. Enfin, l’inertie naturelle à ce ſyſtême, ne peut être vaincue dans les meſures adminſtratives, que par la néceſſité d’agir.

Il ne peut donc convenir à la République Françaiſe, où la réforme des lois ſubſiſtantes, l’établiſſement d’un nouveau ſyſtême de légiſlation, eſt un des premiers devoirs des repréſentans du peuple ; où tant de pertes à réparer, tant d’inſtitutions à créer, feront longtemps ſentir le beſoin d’une autorité ſans ceſſe agiſſante.

Le renouvellement très-fréquent des corps légiſlatifs, les réclamations que le peuple pourra faire contre les lois qu’il jugera contraires à ſa liberté, le changement immédiat des aſſemblées qui