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refuſeroient d’écouter ſa voix, ſont des préſervatifs ſuffiſans contre les projets d’uſurpation de pouvoir, contre les ſyſtèmes deſtructeurs de la liberté que l’on pourroit craindre d’une ſeule aſſemblée, ſource unique de tous les pouvoirs ſociaux.

L’emploi de ce dernier moyen, oblige à diſtinguer les actes du corps légiſlatif, qui ſont véritablement des lois, de ceux qui ne peuvent être regardés que comme des actes d’adminiſtration générale.

Les lois ſont ſuſceptibles d’une obéiſſance proviſoire, comme elles les ſont d’être abrogées. Il eſt de leur nature de durer juſqu’à ce qu’elles aient été révoquées par une autorité légitime ; & elles n’ont pas beſoin d’être renouvellées à des époques marquées. Les actes d’adminiſtrations au contraire, n’ont qu’une exécution momentanée, ou une durée déterminée. Fixer la nature d’un impôt, établir ſur quelles baſes il ſera réparti ou tarifé, déterminer le mode de le percevoir, ſont de véritable lois ; mais déclarer quel ſera le montant de cet impôt, appliquer les principes du tarif, de manière à former un tel produit, ſont des actes d’adminiſtration générale.

Pour les actes de cette nature, une réclamation ſeroit ou inutile, parce qu’elle ſeroit tardive, ou dangereuſe, parce qu’elle en ſuſpendroit l’exécution néceſſaire.

Ainſi, par exemple, la fixation de la dépenſe publique, la détermination de la quotité de chaque impôt nécéſſaire pour y ſubvenir, doivent être faites chaque année, mais ne peuvent donner lieu à des réclamations ſans s’expoſer à porter le trouble dans toute l’économie ſociale. De même, ſi les réſolutions priſes pour ordonner une conſtruction, pour former un établiſſement, étoient aſſujéties à des réclamations qui pourroient entraîner un examen nécéſſaire, le ſuccès deviendroit preſque impoſſible, par l’incertitude éternelle qui ſeroit la ſuite de ces réclamations. Enfin elles tomheroient alors non ſur des droits auxquels on auroit porté atteinte, non ſur des principes d’éternelle vérité qui auroient été violés, mais ſur des convenances paſſagères ou locales, ſur des conſidérations d’intérêt public[1] dont on ne peut croire raiſonnablement que la maſſe entière des citoyens puiſſe être juge, ſur leſquelles elle ne peut même avoir le temps de s’inſtruire.

Ainſi le fréquent renouvellement du corps à qui la confiance publique a été donnée, le droit de réclamer le changement d’une mauvaiſe Conſtitution, ſont ici la ſeul garantie que l’intérêt des citoyens puiſſe exiger ; & cette garantie eſt ſuffiſante.

Mais ſi le peu de durée des fonctions, ſi les élections fréquentes, ſi

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