Page:Projet de Constitution de Condorcet PDF 1 -1DM.pdf/6

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raiſons d’écarter loin de nous tout ce qui porteroit la plus légère atteinte à l’unité politique.

Mais il eſt même inutile de diſcuter toute l’importance de ces raiſons. En effet pour ſéparer en républiques confédérées un état unique, ou pour réunir en une ſeule république des états confédérées, il faut des motifs puiſſans d’intérêt public comme pour tous les grands changemens que la conſervation de la Liberté ou de l’Égalité n’exigent pas rigoureuſement, & aucun de ces motifs n’exiſte pour nous. Nous ne pourrions vouloir ce changement que pour obéir à des vues ſyſtématiques de perfection, ou pour ſacrifier le tout à quelques parties, la génération préſente au bien-être incertain des générations futures ; c’eſt au bruit des menaces d’une ligue d’ennemis puiſſans que nous expoſerions la sûreté de l’État, en faiſant une révolution nouvelle dans l’intérieur, pour établir un ſyſtême dont un des effets néceſſaires eſt d’affaiblir les moyens de défenſe de la nation qui l’adopte.

Suivons plutôt l’exemple d’un peuple digne de nous en donner. Ignoroit-on dans les États-Unis d’Amérique, combien la foibleſſe de leur lien fédératif nuiſoit au ſuccès de leur guerre contre l’ennemi de leur indépendance ? Tout les hommes éclairés, tous les patriotes y gémiſſoient du peu de force du Congrès-Général, du peu de concert des diverſes Républiques ; & cependant perſonne, durant la guerre n’a cherché à corriger ce mal qui en contrarioit cependant le ſuccès : tant on craignoit l’effet d’un grand changement exécuté dans des circonſtances ſi périlleuſes. Ce que la prudence des Américains n’a oſé tenter, lorſque les circonſtances ſembloient le demander, le tenterions-nous dans le moment même où elles s’y oppoſent avec le plus de force ?

Ainſi, l’on a dû prononcer que la France formeroit une République une & indiviſible.

L’étendue de la République ne permet de propoſer qu’une Conſtitution repréſentative ; car celle où des délégués formeroient un vœu général, d’après les vœux particuliers exprimés dans leurs mandats, ſeroit plus impraticable encore que celle où des députés, réduits aux fonctions de ſimples rédacteurs, & n’obtenant pas même une obéiſſance proviſoire, ſeroient obligés de préſenter toutes les Lois à l’acceptation immédiate des citoyens.

Mais l’obéiſſance proviſoire, exigée pour les Lois faites par des Repréſentans, ne doit-elle avoir contre leurs erreurs ou leurs projets, d’autre remède que le prompt changement de ces Repréſentans à des époques réglées, que les limites appoſées à leur pouvoir par des Lois conſtitutionnelles qu’ils ne peuvent chan-