Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/283

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il peut se présenter aussi là où il est inconnu, où il n’a aucune espèce d’intérêt, où rien, hormis sa qualité de Français, son talent d’avocat ou de poëte célèbre, ne le recommande. Il peut poser, dis-je, sa candidature, non-seulement dans son département et dans tout autre département que le sien, mais dans deux et même dans plusieurs départements à la fois, dans dix départements ; il peut la poser, comme M. Bertron, l’ami du genre humain, dans les quatre-vingt-neuf départements. La pluralité des candidatures, chose anormale, au point de vue de la division naturelle de la population et du territoire, monstrueuse dans un État fédératif, est de plein droit dans une république unitaire. Or, qu’est-ce que cette pluralité de candidatures, sinon une promiscuité au moyen de laquelle on confond tout, localités, opinions, intérêts ? Appellerez-vous suffrage direct, le suffrage donné par dix mille communes séparées de mœurs, de territoire, d’affaires, d’idées même, à un individu qui leur est étranger à toutes, qui ne les intéresse et ne les représente qu’au point de vue d’un sentiment passager ou d’une fantaisie de circonstance ? Pour que le suffrage soit direct, il ne suffit pas qu’il soit décerné directement de l’électeur à l’élu ; il faut qu’il représente non moins directement des opinions, des droits, des intérêts et des affaires : car un État, une société ne se compose pas uniquement de volontés, il se compose aussi de choses.

Et il est si vrai que cette manière de pratiquer le suffrage universel est en violation du principe démocratique, qu’elle est au contraire l’acheminement le plus sûr à la monarchie, ce qui n’arriverait certainement pas, si les votes