Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/414

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de ce que j’appelais, il y a quelque vingt ans, contradictions économiques, ne seront sans doute pas fâchés que je leur en fasse voir ici un des plus curieux échantillons. Je les préviens seulement qu’ils me doivent au moins cinq minutes d’attention : il s’agit pour eux de suivre une observation pendant cinq ou six pages. Je tâcherai de me rendre aussi intéressant que clair.

En 1843, une vaste coalition des exploiteurs houillers se forma dans le département de la Loire ; elle produisit dans tout le pays une grande agitation, et provoqua des plaintes nombreuses. À l’exemple des compagnies propriétaires, les ouvriers mineurs se coalisèrent à leur tour, et n’ayant pu obtenir la hausse de salaires qu’ils sollicitaient, se mirent en grève. Quelle fut, en cette circonstance, à l’égard des uns et des autres, la conduite de l’autorité ? Et d’abord, que disait le Droit, que prescrivait la Morale ? C’est ce qui résultera des lignes suivantes, que j’écrivais un peu plus tard, alors que la coalition houillère durait encore, en 1845 :


« Le Pouvoir interviendra-t-il pour ramener la concurrence entre les compagnies, empêcher l’entente, et maintenir le bas prix des charbons ? L’art. 419 du Code pénal semble lui en faire un devoir ; en réalité, il ne le peut pas. La coalition, que la conscience publique n’a pas hésité à dénoncer, coalition présumable, probable, indubitable, est ici couverte par une association régulière, contre laquelle on ne saurait élever aucune objection. L’accusation qu’on porterait serait toute de sens intime, non de certitude ; partant elle serait arbitraire. Remarquez, en effet, que la concurrence anarchique, qui depuis 89 forme la base de notre système économique, a pour correctif la société de commerce, laquelle peut fort bien servir à déguiser une coalition,