Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/64

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priété était une garantie de capacité réelle : en conséquence les censitaires à 200 fr. et au-dessus, au nombre de 230 ou 500,000, étaient réputés les vrais contrôleurs du Gouvernement, arbitres souverains de sa politique. Ce n’était évidemment qu’une fiction de la loi : rien ne prouvant que parmi les électeurs il n’y en eût pas, et même beaucoup, malgré leur cote, de réellement incapables ; comme aussi rien n’autorisant à penser qu’en dehors de ce cercle, parmi tant de millions de citoyens soumis à une simple taxe personnelle, il n’existât pas une foule de capacités respectables.

En 1848 on a, pour ainsi dire, retourné le système de 1830 : le suffrage universel et direct, sans aucune condition de cens, a été établi. Par cette simple réforme, toute la population masculine, âgée de vingt-un ans révolus, née en France et domiciliée, s’est trouvée investie par la loi de la capacité politique. On a donc encore supposé que le droit électoral, et dans une certaine mesure la capacité politique, était inhérent à la qualité d’homme mâle et de citoyen. Mais il est évident que ce n’est toujours là qu’une fiction. Comment la faculté électorale serait-elle une prérogative de l’indigénat, de l’âge, du sexe, du domicile, plutôt que de la propriété ? La dignité d’électeur, dans notre société démocratique, équivaut à celle de noble dans le monde féodal. Comment serait-elle accordée sans exception ni distinction à tous, tandis que celle de noble n’appartenait qu’à un petit nombre ? N’est-ce pas le cas de dire que toute dignité rendue commune s’évanouit, et que ce qui appartient à tout le monde n’est à personne ? Du reste, l’expérience s’est prononcée à cet égard : plus le droit électoral s’est multiplié, plus il a perdu de l’importance qu’on y attachait. Les 36