Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/109

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ner, vilipender, sous réserve de certaines exorbitances dont le magistrat, sur la plainte du patient, se réserve l’appréciation.

D’où vient, je vous prie, cette différence ?

L’existence de tout homme en société se divise en deux parts, étroitement unies, il est vrai : la vie publique et la vie privée.

La première, je vous l’accorde, est du domaine public ; cela résulte de la définition. Attaquez la vie publique, pourvu que la défense soit libre ; je n’ai rien à objecter. Mais la vie privée, à qui est-elle ? Comment le secret de mon intérieur, de mes habitudes, toujours ridicules ou basses par quelque endroit, peut-il être divulgué ? Comment cette divulgation peut-elle devenir une spéculation ? Comment mon âme peut-elle servir d’épave à un entrepreneur de libelles, être vendue à l’encan, comme un esclave ? Quand même ces biographies, illustrations ou charges, ne contiendraient rien de calomnieux, elles sont indécentes : il n’est pas bon, pour la liberté et l’honneur d’un peuple, que les citoyens, mettant en scène l’intimité de leur vie, se traitent les uns les autres comme des valets de comédie et des saltimbanques. Voulez-vous préparer un pays à la servitude ? faites que les personnes se méprisent, détruisez le respect… Qui peut donc justifier une pareille licence ? Vous devez le savoir, Monseigneur, vous qui prêtez parfois la main à de semblables expéditions ?

Qu’un officier de police puisse à toute heure du jour et de la nuit m’arrêter à mon domicile, sur une dénonciation secrète, sur un soupçon, sans déclaration de délit ; qu’on me jette ensuite à Mazas ; que je sois retenu préventivement des semaines, des mois, dans une cellule qui, d’après les principes du droit pénal, ne devrait s’ouvrir tout au plus qu’au condamné ; qu’on me juge ensuite sur