Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme auteur et garant de l’autre. Mais cette identification exige des siècles, et nous ne sommes qu’aux débuts de l’hypothèse.

En résumé, la société antique comprenait deux choses : d’abord le droit de l’homme, dignitas, jus, qui s’exprimait par la manifestation de ses prérogatives, la distinction du tien et du mien, et n’impliquait aucune révérence. Devant l’homme, l’homme restait debout ; il saluait de vive voix, ave, et ne s’inclinait pas. Il y avait ensuite le respect des dieux, relligio, qui se manifestait par l’agenouillement, signe d’infériorité, et avait pour objet d’obtenir, par la crainte de ces invisibles essences, le respect du droit, c’est-à-dire d’inculquer la Justice.

L’homme de l’antique Italie, d’ailleurs si religieux, faisait ainsi du droit la chose principale, de la religion l’accessoire. Bien mieux, la religion servant à consacrer le droit faisait elle-même partie du droit, c’est-à-dire du privilége ou de la dignité patricienne ; elle en constituait, pour ainsi dire, la première division. De là la double expression de droit divin et droit humain, pour exprimer le privilége de la consécration religieuse, sans laquelle la prérogative individuelle restait comme non avenue. De là aussi la définition que Modestin donne du mariage, juris humani et divini communicatio, participation du droit humain et divin, pour dire que l’épouse partageait toutes les prérogatives, civiles et religieuses, de son mari. Cette subordination, très-réelle, de l’élément religieux à l’élément juridique, n’était pas dans la pensée du législateur peut-être ; elle était dans l’institution. L’humain, dans ce système, l’emportait sur le divin ; et la religion n’ayant sa raison d’être que dans la Justice, le sacerdoce n’était aussi qu’une attribution du magistrat.