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CHAPITRE III.

Exaltation et déchéance de la personne humaine chez les anciens.

VIII

Ce n’est pas à vous, Monseigneur, théologien et jurisconsulte, qu’il est besoin de démontrer qu’une pareille conception de la Justice et de ses garanties ne pouvait donner lieu à une théorie exacte et à une constitution durable. À quelque point de vue qu’on se place, que l’on envisage ce système du côté de l’homme ou du côté des dieux, la loi est scindée ; la Justice, qui devrait exprimer la fraternité et l’union, est établie sur un double antagonisme.

On commence par supposer que l’homme ne doit rien à l’homme, qu’il n’en dépend pas, qu’il n’a rien de commun avec lui, que leurs droits respectifs n’ont entre eux rien de connexe et de solidaire. Le droit est tout individuel, unilatéral, univoque. Il ne se complique par lui-même d’aucun devoir, il n’a rien de social. Si bien que pour rendre l’homme à l’homme respectable on est obligé de créer entre eux un autre respect, le respect de la Divinité.

Une telle combinaison ne soutient pas l’examen. Si le droit est primitivement dans la personne humaine, s’il constitue son apanage, comment ce droit ne peut-il aller jusqu’à se reconnaître en autrui ? Comment l’homme est-il incapable de faire droit à l’homme ? À quoi bon cette garantie fantastique des puissances célestes ? N’est-il pas à craindre que tôt ou tard, la philosophie attaquant la foi, la fierté virile fasse table rase de la religion ? Alors, si le droit ne sait trouver dans le droit sa propre sanction,