Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/136

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qui servit à désigner la nouvelle autorité, est la traduction du grec τυραννος ou τυρανος, tyran, c’est-à-dire commandant, patron, maître.

C’est cette horreur de la démagogie qui, jointe à l’antique esprit du patriciat, rendait l’amour de la patrie si faible chez les anciens, et produisit ces guerres civiles, ces proscriptions, ces émigrations, ces trahisons, dont les siècles postérieurs offrent moins d’exemples. On sait quelle peine le sacerdoce juif eut à ramener de Babylone les débris de la nation. Du temps de Sertorius, une partie des Romains avait passé en Espagne, ce qui faisait dire à ce chef :

Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis.

Au soin que Virgile se donne dans son poème palingénésiaque de recommander l’amour de la patrie, on voit combien ce sentiment était rare :

Vendidit hic auro patriam, dominumque potentem
Imposuit…
Hic manus ob patriam pugnando vulnera passi.

Point de respect pour la prérogative personnelle, point de patrie. Alcibiade tantôt sert ses compatriotes, tantôt leur fait la guerre, selon qu’ils usent envers lui d’animadversion ou de bienveillance ; et le peuple ne lui en garde aucun ressentiment.

Tacite, à l’occasion de la loi Papia Poppœa, rendue par Auguste contre les célibataires, explique parfaitement ce passage de l’antique indépendance à un régime de réglementation sans frein :

« Les premiers hommes, dit-il, encore sans passion mauvaise, sans scélératesse, n’avaient pas besoin de peines et de coercitions, pas plus que d’encouragements. Ne faisant rien d’eux-mêmes contre les bonnes mœurs, suivant la loi du bien par la seule inclination de leurs cœurs, la crainte de l’amende ou du châtiment n’avait sur eux aucune prise. Mais quand l’é-