Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/139

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domestique ; chose inouïe, la corruption sembla gagner jusqu’aux dieux. L’homme foulant aux pieds ses mœurs, les dieux devinrent infâmes ; il n’y eut pas de turpitude qui ne trouvât son modèle et sa justification dans quelque divinité. Que pouvaient contre ce torrent l’idéalisme de Platon, l’exégèse d’Évhémère, le mysticisme d’Apollonius de Thyane, la réforme de Julien ? Chez les nations primitives, l’opinion plaçant les dieux du delà de l’humanité et des mœurs mortelles, leurs histoires ne faisaient pas scandale : on les respectait comme d’augustes mystères. À la fin, le sens ou la religion des mythes étant perdu, les dieux déshonorés s’en allèrent ; l’homme resta seul, avec des institutions sans base et des mœurs sans principe. Tout s’engloutit, républiques, cités, partis, caractères : il ne resta que l’empire, chaos démocratique et social, où se remirent à fermenter les éléments d’un monde nouveau ; et la première période de l’âge religieux de l’humanité, et la plus brillante, fut close.


CHAPITRE IV.

Transition religieuse. — Le Christianisme tire les conséquences des prémisses posées par le Polythéisme et la Philosophie : condamnation de l’humanité.

XIII

En principe, le polythéisme a reconnu que la notion du droit avait son point de départ dans la dignité de l’homme. En fait, il n’a pas su développer cette notion ; tout au contraire, par la garantie extérieure et supérieure qu’il donnait à la Justice, il l’a perdue.

Pour vous, Monseigneur, qui regardez le polythéisme comme l’œuvre du démon, ce dénoûment n’a rien que de naturel ; pour moi il est des plus graves, le polythéisme