Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/14

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en effet pires que leurs pères : l’histoire mieux connue des époques antérieures nous donnerait un énergique démenti. Les générations se suivent et s’améliorent : voilà, au total, nonobstant des oscillations incessantes et de déplorables écarts, ce qu’une observation attentive de la vie des peuples révèle jusqu’à présent de plus plausible.

Quand je dis que la France a perdu ses mœurs, j’entends, chose fort différente, qu’elle a cessé de croire à ses principes. Elle n’a plus ni intelligence ni conscience morale, elle ne sait même pas ce qu’elle doit entendre par ce mot, mœurs.

Nous sommes arrivés, de critique en critique, à cette triste conclusion : que le juste et l’injuste, dont nous pensions jadis avoir le discernement, sont termes de convention, vagues, indéterminables ; que tous ces mois de Droit, Devoir, Morale, Vertu, etc., dont la chaire et l’école font tant de bruit, ne servent à couvrir que de pures hypothèses, de vaines utopies, d’indémontrables préjugés ; qu’ainsi la pratique de la vie, dirigée par je ne sais quel respect humain, par des convenances, est au fond arbitraire ; que ceux qui parlent le plus de la Justice prouvent de reste, et par l’origine surnaturelle qu’ils lui assignent, et par la sanction extra-mondaine qu’ils lui donnent, et par le sacrifice qu’ils n’hésitent jamais d’en faire aux intérêts établis, et par leur propre conduite, combien peu leur foi est sérieuse : qu’ainsi la vraie boussole des rapports de l’homme à l’homme est l’égoïsme, en sorte que le plus honnête, celui dont le commerce est le plus sûr, est encore celui qui avoue avec le plus de fran-