Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/155

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trospectif un argument de sa fausseté. Mais c’était justement la preuve que plus le paganisme s’effaçait devant la religion du Christ, plus une réalisation nouvelle de l’essence divine devenait urgente ; plus, sous ce besoin des esprits, la qualité transcendante du Christ, soupçonnée depuis six ou sept siècles, et peu à peu affirmée, devenait lumineuse.

Il fallait donc, de toute nécessité, à peine d’un athéisme général, que le messie Jésus, natif de Galilée, crucifié sous Ponce-Pilate, sans perdre sa qualité d’homme, fût reconnu Dieu ; que sa mère fût dite mère de Dieu ; qu’en lui se trouvassent réunies deux natures et deux volontés, non pas en ce sens qu’il fût moitié homme et moitié Dieu, mais qu’il cumulât dans leur intégralité les deux natures humaine et divine. Le paganisme avait eu des demi-dieux, naïveté théologique que le christianisme redressa avec force et autorité, en posant l’Homme-Dieu.

Cela vous semble insensé, à vous autres druides, partisans de la métempsycose et de la religion naturelle, qui vous croyez philosophes. Mais ne vous y trompez pas : ce qui est arrivé pour le christianisme arrivera pour toute église fondée sur une conception métaphysique du grand Être, et qui saura, avec logique et conviction, déduire la thèse. Tôt ou tard cette église, prétendue spiritualiste, sera amenée à réaliser son concept et à se tailler un Dieu dans la chair, à peine de s’évanouir elle-même dans le néant.

C’est ainsi que s’est formé le polythéisme ou l’idolâtrie ; que le jéhovisme a abouti au messianisme, dont le mahométisme n’est qu’une dégénérescence ; c’est ainsi que depuis l’établissement du christianisme jusqu’à nos jours on a vu, à diverses époques, des religionnaires exaltés se donner qui pour christ, qui pour paraclet, qui tout bonnement pour dieu.