Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XX

Cherchons dans le dogme chrétien la raison métaphysique, théologique, de cette non-moralité. Le christianisme n’avait pas oublié que le trait le plus saillant de la dissolution païenne était la perte de la liberté et de la dignité personnelle ; qu’en conséquence le caractère spécial de la rédemption devait être de restituer cette dignité. Votre salut, dit l’Apôtre, a coûté cher, pretio redempti estis ; voulant marquer par là de quelle dignité était aux regards de Dieu l’âme de l’homme. Aussi, à l’exemple de l’Apôtre, si l’Église parle beaucoup d’expiation et de pénitence, on peut dire qu’elle parle encore plus de réhabilitation. Les apologistes chrétiens ne manquent pas de faire valoir cette excellente idée de la réhabilitation des âmes, dont le paganisme, lui, ne s’occupait guère. Et tous les jours l’Église témoigne à cet égard de son vif intérêt, par le zèle qu’elle déploie pour la conversion des infidèles, le baptême des enfants et l’absolution des agonisants.

Par malheur, cette réhabilitation se passe en figures, affaire de mysticisme et de spiritualité. Le royaume du Christ n’est pas de ce monde : cette dignité précieuse, que l’empire avilissant de César faisait perdre aux personnes, le christianisme promet de la leur rendre… dans l’autre vie ! Et il en est de même de la liberté, de l’égalité, de la richesse, de la science, de l’amour, de la sanctification. Ces biens que rien ne saurait compenser, condition de toute morale, ne doivent se réaliser que dans le ciel.

C’est bien autre chose vraiment pour ce qui est de la pénitence et de la mortification : là est suivant l’Évangile la véritable réalité terrestre. Dès qu’il s’agit de punir, le royaume du Christ apparaît, riches, pour vous