Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’ennuis, que remplace bientôt et nécessairement l’amour libre.

De même, pour former une société, pour donner aux intérêts des personnes et des familles la sécurité qui est leur premier besoin, sans laquelle le travail se refuse, l’échange des produits et des valeurs devient escroquerie, la richesse un guet-apens pour celui qui la possède, il faut ce que j’appellerai une foi juridique, qui, élevant les âmes au-dessus des appétits égoïstes, les rende plus heureuses du respect du droit d’autrui que de leur propre fortune. Sans cela la société devient une mêlée où la loi du plus fort est remplacée par la loi du plus fourbe, où l’exploitation de l’homme succède au brigandage primitif, où la guerre a pour dernier mot la servitude, et la servitude pour garant la tyrannie.

De même encore, pour former un État, pour conférer au Pouvoir l’adhésion et la stabilité, il faut une foi politique, sans laquelle les citoyens, livrés aux pures attractions de l’individualisme, ne sauraient, quoi qu’ils fassent, être autre chose qu’un agrégat d’existences incohérentes et répulsives, que dispersera comme poussière le premier souffle. N’avons-nous pas vu, depuis la Révolution, assez de défections et de palinodies ? Comment un pouvoir subsisterait-il quand le mépris a envahi les âmes, quand ministres, sénateurs, magistrats, généraux, prélats, fonctionnaires, armée, bourgeoisie et plèbe, sont aussi prompts à changer de princes que le mobilier de la couronne ?

Par le scepticisme, l’attrait purement moral du ma-