Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

consulat et de l’empire, quant à la charte de 1814 et à celle de 1830, si elles ne les ont pas reproduites, c’est qu’il ne pouvait leur convenir de faire la critique des gouvernements.

Pour moi, j’avoue que cette façon de procéder me semble décisive autant que rationnelle. A priori, ainsi qu’il résulte de la notion de l’être et de ses modes, il implique contradiction que l’homme et la société ne possèdent pas en eux-mêmes la loi de leurs mœurs (Déf. Ier) ; — à posteriori, l’hypothèse qui attribue au sujet humain la corruption de lui-même, et qui règne, suivant le calcul des Égyptiens et des Orientaux, depuis plus de 8,000 ans, n’a engendré que corruption et hypocrisie. Donc, conclusum est adversus theologos, il faut changer de système.

La source du mal reportée du dedans au dehors, reste à trouver le remède. À qui s’adresse la Révolution ?

Le clergé accusait les révolutionnaires d’athéisme. C’était soulever une question dangereuse, insoluble, et qui faisait perdre de vue la véritable. Comment une assemblée de législateurs formés à l’école de la science et de la philosophie expérimentale eût-elle pu s’engager dans une discussion théologique, dire s’il y avait ou s’il n’y avait pas un Être suprême, quel était cet Être, et quels rapports l’humanité soutenait avec lui ?… La Révolution écarta donc l’idée théologique, mais sans la nier ni l’admettre, et sauf à y revenir ultérieurement, s’il y avait lieu, et sous bénéfice d’inventaire.

C’est ce qui résulte de l’ensemble des déclarations. Celles des 3 septembre 91, 24 juin 93 et 22 août 95 se placent sous l’invocation de l’Être suprême ; mais celles de juillet-août 89, 13 décembre 99, n’en disent mot. Quant aux constitutions de l’empire, de 1814 et 1830, elles se bornent, en salariant le culte, à appliquer le principe de la liberté religieuse, sans faire la moindre mention de la divinité.