Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/19

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riage, de la génération, de la famille, l’attrait du travail et de la cité étant perdu, l’être social se dissout, la population même tend à s’éteindre. Là est le côté grave de l’immoralité actuelle.

Tous tant que nous sommes que le doute moral a piqués, et qui avons acquis la conscience de notre solitude, nous nous sentons, par cette défaillance en nous de la Justice, diminués de la meilleure partie de nous-mêmes, déchus de notre dignité, ce qui veut dire de notre virtualité sociale.

N’est-ce pas déchéance, en effet, que ce sensualisme féroce, qui nous fait prendre en honneur le mariage et la génération, et nous pousse par l’amour à l’anéantissement de l’espèce ? Le nombre des avortements et infanticides a doublé en 1856, dit le dernier rapport sur la Justice criminelle. Le comble de la jouissance est dans la stérilité. Nous n’aurons pas d’enfants, vous disent froidement ces jeunes époux !… Est-ce le vœu de la nature et de la société ?

N’est-ce pas déchéance que ce manque de foi à la vertu du prochain et à la nôtre, qui, nous retenant à l’état de guerre latente, nous rend bon gré mal gré indifférents à la cité, à la patrie, insoucieux des intérêts généraux et de la postérité ?…

La certitude du droit et du devoir abolie dans le cœur des hommes, la société expire donc. Comme nul ne saurait être honnête avec la conviction intime de sa scélératesse, de même nulle société ne saurait subsister avec l’opinion devenue générale qu’elle se compose en haut et en bas de canaille.

Science et conscience de la Justice, comme dit un