Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/191

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n’y a eu de contrat grammatical. Cela empêche-il que la grammaire ne soit donnée à priori comme charte de la parole, par la nature même de l’esprit ?

Il existe donc un contrat ou constitution de la société, donné à priori par les formes de la conscience, qui sont la liberté, la dignité, la raison, la Justice, et par les rapports de voisinage et d’échange que soutiennent fatalement entre eux les individus. C’est l’acte par lequel des hommes se formant en groupe, déclarent, ipso facto, l’identité et la solidarité de leurs dignités respectives, se reconnaissent réciproquement et au même titre souverains, et se portent l’un pour l’autre garants.

Ainsi la Justice, cette haute prérogative de l’homme, que la Rome païenne avait placée sous la garde de ses dieux, que la Rome chrétienne a fait disparaître dans la sainteté de sa triade, la Justice a pour garantie et sanction la Justice. De sorte que les membres de la société nouvelle, se garantissant les uns les autres, se servent réciproquement de dieux tutélaires et de Providence : conception qui efface tout ce que la raison des peuples avait produit jusqu’alors de plus profond. Jamais pareille glorification n’avait été faite de notre nature, jamais aussi les doctrines de transcendance ne furent plus près de leur fin.

D’après les transcendantalistes, l’homme étant incapable par lui-même d’obéir à la loi et de sacrifier à la Justice son intérêt propre, la religion intervient pour le contraindre au nom de la majesté divine.

Le devoir dans ce système préexiste donc au droit ; pour mieux dire, le devoir, étant la condition de l’homme, ne lui laisse pas de droit.

Le contrat social met à néant cette théologie. Suivant le principe révolutionnaire, l’homme constitué en état de société par la Justice qui lui est immanente n’est plus