Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/232

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C’est la philanthropie, l’amour, ou, pour parler comme l’Évangile, la charité, principe de la communauté animale observée chez les abeilles (Étude Ire, n. v), vers laquelle l’insuffisance du droit établi pousse les sectes, et dont la condition première est le sacrifice de l’individualité.

Toute église, en vertu de la philanthropie ou charité dont sa foi est le gage, tend donc à l’accaparement des biens, à la dépossession universelle, à l’indivision. C’est ce qu’avaient fait ou enseigné, longtemps avant le Christ, Minos, Lycurgue, Pythagore, Platon, les Esséniens, etc. C’est ce qu’ont fait et enseigné, dans les temps modernes, les jésuites du Paraguay, les moraves, les owénistes, les saint-simoniens, les phalanstériens, les icariens, les mormons, et tous les utopistes. Et à l’heure où j’écris pouvons-nous oublier que les disciples de Saint-Simon, devenus per fas aut nefas princes du crédit, chefs de la finance, matadors de la Bourse, patrons et confesseurs de l’empire, travaillent de leur mieux à la réalisation de leur grand principe, la réhabilitation de la chair, par la centralisation des capitaux, l’accaparement des fortunes, la coalition des priviléges, la subalternisation du travailleur, la déchéance de la liberté, et cela toujours au nom du dogme, au nom de la philanthropie ? Eh ! mystificateurs transcendants, tous tant que vous êtes, donnez-nous la Justice, et nous n’aurons que faire de votre dogmatisme ; donnez-nous la Justice, et nous n’aurons pas besoin de votre charité ; nous nous passerons volontiers de vos hôpitaux, de vos hospices, salles d’asile, crèches, cités ouvrières, et de toutes vos miséricordes !…

XI

Cependant une conception aussi gigantesque ne pouvait s’avouer, surtout dans les commencements. D’autre part, l’état de péché impliquant la résistance à la grâce,