Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/233

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seul point d’appui de l’autorité ecclésiastique, la solidité de l’édifice était compromise : comment supposer que la multitude des fidèles, riches et pauvres, consentirait à se dessaisir entre les mains du clergé ?… L’Église comprit bientôt la nécessité de s’adjoindre une classe intermédiaire, dont les intérêts seraient solidaires des siens, et qui, protégée dans ses priviléges par la religion, servirait l’Église à son tour de son suffrage, et au besoin de ses armes. Après avoir condamné le droit romain dans son principe, la propriété, les chefs chrétiens n’hésitent pas à le faire rentrer dans les prévisions de leur discipline ; plus tard ils y feront entrer encore le droit germanique.

Ceci peut servir à expliquer comment en 1831, l’école saint-simonienne se déclarait anti-propriétaire, et comment en 1848 elle se prononça tout à coup contre le socialisme.

Après la mort de Jésus, les premiers qui avaient reçu la parole, prenant au sérieux l’Évangile, s’arrangent pour vivre en frères, mener la vie parfaite ; ils organisent les agapes. On a débité force niaiseries sur ces communautés des premiers siècles, dont le succès fut aussi peu brillant que celui de nos modernes communistes. Autant l’Église aime à rappeler aujourd’hui les repas d’amour pour l’édification du bon peuple, autant elle mit jadis d’empressement et de persistance à les abolir. Les gens comme il faut, parmi lesquels il faut compter en première ligne les évêques, goûtaient peu cette promiscuité. Ils supprimèrent les agapes, ce dont je les loue ; mais sans les remplacer par rien qui rappelât les espérances messianiques, ce dont je me plains et les accuse. La discipline se trouva donc, quant aux biens, établie sur deux principes : 1o le fermage ou salariat, avec le supplément d’aumône, dont l’Église se fit dispensatrice et centre ; 2o le droit romain de propriété, cause première de la corruption païenne et de la