Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/234

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propagation de l’Évangile. Dès lors, pouvaient se demander les chrétiens, à quoi bon l’Église ? à quoi servait le christianisme ?…

À partir de ce moment, on remarque dans le mouvement chrétien deux courants distincts : l’un est le courant démocratique, l’autre le courant épiscopal. La démocratie, d’ordinaire silencieuse, mais éclatant de temps à autre en réclamations accusatrices, représente l’élément social ; l’épiscopat représente l’élément religieux, à l’aide duquel il s’efforce de donner un sens mystique aux annonces révolutionnaires de l’Évangile, et de contenir la misère des masses. Suivons ce nouveau pouvoir, aux prises avec les exigences de son dogme, de la multitude qu’il endoctrine, et de sa propre sécurité.

Les gnostiques millénaires comptaient sur un retour prochain du Christ pour avoir leur part des jouissances temporelles ; ils repoussaient en conséquence la pauvreté, la jugeant immorale et incompatible avec le principe organique de la foi : secte dangereuse, d’abord par l’insoluble problème qu’elle posait à l’Église, puis par le reproche de spoliation qu’elle donnait occasion aux païens de faire planer sur la religion. L’Église condamna les gnostiques comme impurs, entendant mal le sens de l’Évangile, et faussant la tradition. L’orthodoxie les a accusés de toutes les turpitudes dont le paganisme l’accusait elle-même : soit ; je veux que l’accusation ne soit pas tout à fait sans fondement. Mais ces hérétiques étaient fondés aussi à demander si le Christ, qui n’était pas venu, disait-il, pour abroger la loi de Moïse, mais pour la perfectionner, avait voulu perfectionner aussi celle de Numa ?

Les circoncellions, les donatistes, protestent à leur tour contre le luxe et l’insolence de l’épiscopat ; car on devine que le clergé, par les mains duquel passaient tant d’aumônes, en retenait une bonne part. Qui le croirait ? les