Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/243

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forêts, à peupler les déserts et les sommets des montagnes, à enseigner la lecture au peuple, la société laïque applaudit. Mais quand les moines, devenus de plus en plus nombreux à l’ombre de la croix, s’abattirent sur les campagnes cultivées et dans les villes, et menacèrent d’absorber, avec le sol et la richesse, la population libre elle-même, alors la société laïque se mit à leur résister, jusqu’au jour où, leur déclarant hautement la guerre, elle raya de sa main puissante et victorieuse la charte qui les constituait en communautés soi-disant religieuses au sein de la nation. »

XIII

Lorsque la Révolution française éclata, le clergé possédait en France le tiers du territoire. L’Assemblée nationale ayant décidé que les biens du clergé seraient repris et vendus, les députés de cet ordre, appuyés par la royauté et la noblesse, protestèrent avec force, en criant à la spoliation et invoquant le droit de propriété. Ceux qui leur répondirent firent valoir tour à tour l’intention des donateurs, l’abus de la propriété ecclésiastique, la compensation offerte au clergé, le besoin du trésor, etc, L’État, selon Kant, ne pouvait être lié à jamais par l’autorisation qu’il avait donnée autrefois au clergé de posséder ces biens. Comme si le droit de propriété était une concession de l’État ! La vérité vraie ne fut dite par personne.

Or, la vérité est que le principe d’appropriation, sans lequel il n’est pas d’économie publique, est d’origine polythéiste et anti-chrétienne ; que telle a été, dès le siècle des apôtres, la doctrine de l’Église ; que les Antoine, les Pacôme, les Benoît, et tous ces héros du communisme dont l’Église a fait des saints, n’ont eu pour objet que de détruire cette damnable institution, en accaparant, au nom de l’Église, les biens et les propriétés des familles ; qu’ainsi la formation de la propriété ecclésiastique a été l’effet d’un complot dirigé par l’Église contre la propriété